Après le Zoom sur Starting-Block, je vous propose aujourd’hui une seconde interview d’association. Frédéric Gal, directeur général & délégué régional de l’association « Le Refuge » (reconnue d’utilité publique en août 2011), a accepté de répondre à mes questions… Le thème ? Le lien entre la publication d’un ouvrage, et la communication de l’association.

Peut-être certains d’entre-vous connaissent-ils l’ouvrage « Casse-toi ! » (paru en 2010) écrit par le photographe Jean Marie Périer. C’est de ce livre et de son lien avec le Refuge dont il est question dans l’interview qui suit. De l’histoire et des impacts de cette publication.

Note : l’interview est retranscrite dans son intégralité sous la vidéo.

Site web du Refuge : http://www.le-refuge.org/

Bonne séance !


Nous sommes aujourd’hui dans les locaux du Refuge en compagnie de Frédéric Gal. Frédéric, est-ce que tu peux commencer par te présenter, et présenter ton association « Le Refuge » ?

Alors je suis Frédéric Gal, je suis le directeur national de l’association, et je suis en même temps le délégué régional de la délégation de Montpellier dans le Languedoc Roussillon. Le Refuge est une association qui a été créée en 2003 et qui a pour but de venir en aide à des jeunes majeurs, victimes d’homophobie, et surtout victimes de rejet familial, et qui se retrouvent du jour au lendemain à la rue. Le but de notre structure est de leur proposer un hébergement, un accompagnement social et un accompagnement pluridisciplinaire, notament psychologique.

Logo_Refuge

Aujourd’hui avec toi, on va aborder un thème qui est lié à la communication, qui concerne le lien entre une publication, un ouvrage, et l’association. En l’occurrence, il s’agit ici du livre « Casse-toi ! » écrit par Jean-Marie Périer. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ce livre, du lien qu’il a avec l’association « Le Refuge », et comment la collaboration s’est faite ?

Ce livre a donc été écrit par Jean-Marie Périer, qui est le grand photographe que l’on connait… A la base, ça s’est fait parce que Jean-Marie Périer avait vu, sur une page de Libération, un article qui parlait de la structure. Et il s’est dit : « il y a des jeunes qui se font rejeter de chez eux parce qu’ils sont gays ! ». Il n’imaginait pas ça, parce qu’il avait toujours vécu au milieu des Stars, des gens connus, dans un milieu très show-biz, donc très ouvert, généralement. Et il s’est dit « Comment ça se fait ? ». Donc, il a voulu nous rencontrer.

Il a prit contact avec nous et il pensait, en venant visiter, qu’il y aurait quelques personnes qui seraient là. Et quand il est arrivé, il a croisé le destin de tous les jeunes qui étaient là. Il a parlé avec eux et il s’est aperçu que non seulement on n’avait pas que deux petites demandes, mais qu’on avait beaucoup plus de demandes que ça, que les jeunes étaient dans une réelle souffrance, qu’il y avait un profond mal-être qui était assez récurrent. Et il s’est dit « il faut à tout prix les aider ». Donc il a réfléchi à comment il pouvait nous aider, et il s’est dit « pourquoi je ne mettrais pas à profit ce que je sais faire, donc la photo et l’écriture, pour pouvoir parler de l’association, et éventuellement pourquoi pas, apporter un peu d’argent et faire augmenter la notoriété de la structure ? »

D’accord. Donc pour le livre, est-ce que tu peux nous raconter un peu son contenu, de quoi il parle exactement ?

Le livre, c’est simplement, en une vingtaine d’histoires, exactement ce que nous rencontrons tous les jours au Refuge. C’est la vie, c’est l’histoire racontée par des jeunes. C’est une journaliste qui a récupéré leurs témoignages, avec l’aide de Jean-Marie qui les a aussi interrogés. Elle a vu avec eux les moyens pour qu’ils puissent s’exprimer librement, qu’ils puissent dire librement ce qu’ils pensaient, qu’ils puissent exprimer leur ressenti. Et c’est une série, donc, d’une vingtaine d’histoires, qui explique simplement le déroulement de la vie des jeunes. Il y a un jeune qui se retrouve jeté de chez lui… Pourquoi ? Les parents, qu’est-ce qu’ils lui ont dit ? Comment lui il l’a vécu ? Ce qu’il en a pensé… Voilà, c’est vraiment l’histoire des jeunes. Et ce qui est très intéressant dans le bouquin, c’est que ce n’est pas du surfait. C’est à dire qu’il n’a pas rajouté une couche de mélo en disant « mon Dieu, les pauvres jeunes… », en faisant pleurer dans les chaumières. Il n’a pas non plus essayé de lisser le contenu, pour que ce soit un peu passe-partout, non. C’est vraiment la réalité, telle qu’on la voit tous les jours.

Donc c’est un livre qui est sorti début 2010. Depuis, comment ça s’est passé pour l’association ? Quelles ont été les répercussions ? Comment avez-vous intégré le livre dans la démarche de communication ?

Au niveau du livre, quand il est sorti, les premières semaines ou même les premiers jours de parution, que ce soit la parution en librairie ou avec la publicité qui est faite dans les médias, ça a été très rapide. On a eu une foule de dons, notamment par internet, des tas de nouveaux adhérents. On a eu à peu près 4000 € de dons uniquement en quelques jours suite à la parution du livre. Et puis pour les rares fois, les gens se sont rendus compte que ça existait. Notamment des gens qui n’imaginaient même pas que l’homophobie puisse exister, puisqu’en général, quand on parle d’homosexualité, on voit soit la Gay Pride, soit « Plus belle la vie » avec les couples de gays et lesbiennes qui sont là, où tout se passe bien, en règle générale…

Des tas de gens se sont aperçus que ce n’était pas ça du tout. Qu’il y avait encore beaucoup de personnes qui avaient beaucoup de problèmes par rapport à ça. Que beaucoup de jeunes se retrouvaient régulièrement à la rue et pouvaient être discriminées parce qu’ils n’avaient même pas choisi d’aimer un garçon ou d’aimer une fille, mais parce que simplement, ils aimaient. Et beaucoup de personnes se sont retrouvées, ont dit « mais finalement, c’est aussi ce que j’ai vécu, c’est aussi ce que j’ai pu voir »… Ou alors des personnes aussi qui ont eu des amis qui ont vécu ça. « Mon frère, ma sœur, ma meilleure amie se sont retrouvés dans le même cas que ces jeunes là », et puis des parents aussi qui ont dit « mais comment des parents peuvent faire ça ? ».

Et le bouquin a aussi servi à des parents qui ont eu la même réaction, vis à vis de leur enfant. Et qui une fois après avoir lu le bouquin, ont vu ce que l’enfant a vécu, ont vu que finalement c’était complètement idiot de rejeter son fils ou sa fille parce qu’ils disent « je préfère un garçon » ou « je préfère une fille ». Les parents se sont dit « mais c’est vrai, finalement, qu’est-ce qu’on s’en fout… Que vont dire les voisins ? Et bien les voisins parleront entre eux, et puis finalement, est- ce que ça ne vaut pas mieux que mon enfant soit heureux en aimant une personne du même sexe, plutôt que soit de l’obliger à aimer une personne du sexe opposé soit de le rejeter par rapport à ça… » Et ça, c’est le petit trait positif du bouquin…

Là, nous sommes plus d’un an après, est-ce qu’il y a encore des répercussions de ce livre pour l’association ? Est-ce qu’il y a des gens qui viennent encore vers vous par le livre ?

Alors, par le livre, oui. Effectivement, ça fait plus d’un an, ça fait un an et demie, mais les gens nous connaissent encore par le bouquin. Des tas de bénévoles qui viennent dans la structure et qui viennent nous voir pour s’investir, nous ont connu par le livre « Casse-toi ! » de Jean-Marie Périer. Et on le diffuse régulièrement aussi aux autorités, que ce soient les ministères, les collectivités locales… Et puis les collectivités locales, généralement, sont de la génération de Jean-Marie, donc il y a une connaissance du personnage, du moins. Mais sinon, beaucoup de bénévoles sont venus vers nous par le livre, oui.

Ok, on va terminer là-dessus. Je te remercie pour cet entretien,

Avec plaisir,

Et bonne continuation au Refuge !

Merci…